Nos vieux 31 mars
La vie au temps du confinement ressemble à une parenthèse ouverte, le temps est ajourné. Chaque jour qui passe apporte son lot de décomptes macabres comme si nous étions tous embarqués dans une tragédie, la nôtre, celle des êtres que nous aimons et celle de l’humanité tout entière. Nous formons aujourd’hui tous une communauté d’êtres fragiles, nous pouvons tous être de supposés vecteurs de propagation de la maladie. Il semblerait pourtant que nous ne soyons pas tous égaux devant la maladie…
Nombreux s’en sortiront et guériront mais les plus fragiles seront emportés. Nos anciens en font partie. Je parle de tous nos vieux, de tous ceux qui ont jalonnés notre mémoire de sagesse, d’adages et de coutumes. Je pense à toutes les personnes âgées du monde mais particulièrement aux immigrés, à ceux qui ont tout quitter jeunes pour un ailleurs des possibles et qui aujourd’hui dans leur vieillesse font face à l’impensable.
Ainsi comme le fait remarquer Salem Fkire, président de CAP SUD MRE, tous les immigrés ne sont pas logés à la même enseigne. Il évoque en particulier les Chibanis qui n’ont pas fait le choix du regroupement familial, « on peut dire que nos Chibanis qui résident dans les foyers sont les plus touchés par ce confinement car déjà confinés dans la solitude et l’éloignement de leur famille en temps normal, aujourd’hui, c’est la double peine car isolés en plus de l’extérieur ! ».
Être enterrés dans le pays d’origine est inscrit dans le récit de vie, de « nos pères et de nos mères », que nous français choisissions la terre qui nous a vus naitre comme dernière demeure, ils l’ont accepté. Mais eux, ils ne l’ont pour la plupart jamais envisagé. Salem Fkire s’accorde à penser que « nos vieux » sont aujourd’hui inquiets, au-delà du confinement, « leur souci est beaucoup plus macabre, ils s’interrogent beaucoup sur leur fin, s’ils décèdent pourront-ils être rapatriés ? ».
A Marseille, le covid-19 a emporté plusieurs comoriens. Interrogé, Ben Amir Saadi Jri, co-fondateur à 00269-Le Média des Comoriens du Monde et PDG à Maana Sport, fait remarquer que les personnes âgées qui viennent des Comores, « vivent cette pandémie comme toutes les autres personnes dites à risque, avec une grande crainte. Les femmes et les hommes qui avaient des habitudes de rencontres, souvent le week-end dans nos us et coutumes et qui se trouvent confinées, c’est difficile. Mais le drame dans le drame, c’est lorsqu’elles apprennent le décès d’un des leurs et qu’elles ne peuvent pas aller voir les proches pour leur présenter les condoléances et assister au rite funéraire ».
Il en résulte forcément que nos vieux en deviennent plus vulnérables psychologiquement. Dans mon entourage proche, certains n’arrivent plus à se sustenter, absorbés par le scénario cauchemardesque d’une sépulture anonyme.
Pour eux et pour tous, restons chez nous.
NG
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