Nos vieux

FB_IMG_1585680552070La vie au temps du confinement ressemble à une parenthèse ouverte, le temps est ajourné. Chaque jour qui passe apporte son lot de décomptes macabres comme si nous étions tous embarqués dans une tragédie, la nôtre, celle des êtres que nous aimons et celle de l’humanité tout entière. Nous formons aujourd’hui tous une communauté d’êtres fragiles, nous pouvons tous être de supposés vecteurs de propagation de la maladie. Il semblerait pourtant que nous ne soyons pas tous égaux devant la maladie…

Nombreux s’en sortiront et guériront  mais les plus fragiles seront emportés. Nos anciens en font partie.  Je parle de tous nos vieux, de tous ceux qui ont jalonnés notre mémoire de sagesse, d’adages et de coutumes. Je pense à toutes les personnes âgées du monde mais particulièrement aux immigrés, à ceux qui ont tout quitter jeunes pour un ailleurs des possibles et qui aujourd’hui dans leur vieillesse font face à l’impensable.

Ainsi comme le fait remarquer Salem Fkire, président de CAP SUD MRE, tous les immigrés ne sont pas logés à la même enseigne. Il évoque en particulier les Chibanis qui n’ont pas fait le choix du regroupement familial, « on peut dire que nos Chibanis qui résident dans les foyers sont les plus touchés par ce confinement car déjà confinés dans la solitude et l’éloignement de leur famille en temps normal, aujourd’hui, c’est la double peine car isolés en plus de l’extérieur ! ».

Être enterrés dans le pays d’origine est inscrit dans le récit de vie, de « nos pères et de nos mères », que nous français choisissions la terre qui nous a vus naitre comme dernière demeure, ils l’ont accepté. Mais eux, ils ne l’ont pour la plupart jamais envisagé. Salem Fkire s’accorde à penser que « nos vieux » sont aujourd’hui inquiets, au-delà du confinement, « leur souci est beaucoup plus macabre, ils s’interrogent beaucoup sur leur fin, s’ils décèdent pourront-ils être rapatriés ? ».

A Marseille, le covid-19 a emporté plusieurs comoriens. Interrogé, Ben Amir Saadi Jri, co-fondateur à 00269-Le Média des Comoriens du Monde et PDG à Maana Sport, fait remarquer que les personnes âgées qui viennent des Comores, « vivent cette pandémie comme toutes les autres personnes dites à risque, avec une grande crainte. Les femmes et les hommes qui avaient des habitudes de rencontres, souvent le week-end dans nos us et coutumes et qui se trouvent confinées, c’est difficile. Mais le drame dans le drame, c’est lorsqu’elles apprennent le décès d’un des leurs et qu’elles ne peuvent pas aller voir les proches pour leur présenter les condoléances et assister au rite funéraire ».

Il en résulte forcément que nos vieux en deviennent plus vulnérables psychologiquement. Dans mon entourage proche, certains n’arrivent plus à se sustenter, absorbés par le scénario cauchemardesque d’une sépulture anonyme.

Pour eux et pour tous, restons chez nous.

NG

 

 

 



Restez chez vous et Lavez-vous les mains.

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Confinement dans la cité

Le confinement a bouleversé nos rythmes. Forcés de rompre avec nos habitudes, la réclusion nous a permis de modifier ce paramètre de nos vies jusqu’alors immuable, le temps.

Finie la course éperdue, le Covid-19 a ralenti notre empressement, les contraintes se sont amenuisées. Les enjeux sanitaires ont remis en question la gestion de notre quotidien et de nos nécessités. Il a pointé du doigt une vérité que nous avions négligé, emportés par le flux toujours plus tendu de nos vies, rien ne compte plus que la santé.

De notre esprit, les obligations se sont échappées. Le repli chez soi avec les siens a évacué derechef les fioritures de notre existence, une sorte de parenthèse qui nous oblige à nous recentrer sur nous, vers soi.

Il m’a semblé souvent inutile de rappeler aux autres d’où je venais pour éviter d’être enfermée dans une seule et unique case, celle de mes origines. Pourtant, je peux le dire fièrement, j’ai été une enfant des cités qui a grandi au troisième étage puis au sixième d’un appartement avec la même vue sur le béton.

Pourtant, cet environnement m’a offert une enfance joyeuse. Nous avons été chanceux mes quatre frères, ma sœur et moi, nourris à l’amour infini d’une mère beaucoup trop jeune. Il nous était parfois difficile de donner son âge, de peur des moqueries. Pourtant notre mère avait l’éclat de sa jeunesse. Mon père quant à lui, il a toujours représenté l’autorité, celle qui se diffuse dans la tendresse la plus absolue. Ils ont su nous hisser vers ce qu’on appelle la « beurgeoisie ».

Nous avons tous quitté depuis bien longtemps la cité, ses immeubles uniformes et ses aires de jeux pavées. Qu’en est-il des autres ? Qu’en est il de ceux que j’ai connu et qui n’ont pas pu quitter la cité par choix ou par nécessité ? Leur sort m’a inquiété. Je les avais oubliés et les événements m’ont rappelé à eux comme un retour à mes racines, indispensable.

J’ai alors contacté J. sur les réseaux sociaux. Je lui ai expliqué que je voulais écrire sur la cité au temps du Corona Virus. Elle a accepté que je m’entretienne avec elle par téléphone. J. a l’âge de ma petite sœur, presque quarante ans, elle est maman de deux filles.

J.  officie dans le secrétariat, elle enchaîne les CDD et son mari est manutentionnaire. Je cherche à savoir depuis quand est-elle confinée ? Elle hésite à me répondre, je la rassure, je ne suis pas journaliste, c’est juste pour savoir si la mesure de confinement est bel et bien respectée par tous. Elle répond un peu honteuse, lundi soir.

Quand j’évoque avec elle l’approvisionnement, elle répond, « j’ai entendu dire que les gens se battaient et je ne voulais pas que mes enfants assistent à des scènes de violence. ». Alors, tous les deux jours, elle continue à faire ses courses chez l’épicier du coin, « c’est un peu plus cher mais les gens ne se battent pas. En revanche, les distances de sécurité ne sont pas respectées. Il faut bien que je sorte, les horaires de travail de mon mari ne lui permettent pas de prendre un temps pour les courses ».

Qu’en est-il de la vie dans le quartier ? A l’extérieur, les habitants sont ils toujours aussi nombreux à se déplacer dans les allées ? J. est catégorique, « il y a beaucoup moins de squattage ». Cependant, elle déplore l’attitude des « chibanis » (personnes âgées), il semblerait qu’ils ne prennent pas au sérieux les mesures de confinement, « ils ont besoin de leur routine ».

Elle me détaille ses journées depuis mardi matin, elle s’est fixée un emploi du temps strict. Je lève les filles à 9h pour qu’elles prennent le temps de déjeuner. A dix heures c’est vidéo conférence avec l’enseignant de l’une, à 11h avec l’enseignante de ma cadette. « Je trouve les vidéos conférences géniales, cela nous permet aux filles et à moi d’avoir un repère. Mais je n’ai pas d’imprimante à la maison, c’est difficile de rendre les devoirs qu’il faut scanner. A midi, on déjeune, l’après-midi, j’ai instauré un moment calme puis un peu de télévision. A seize heures, on reprend les devoirs ».

J’en profite pour lui demander des nouvelles de sa maman que je sais très malade, « elle n’a plus d’infirmière, à cause du corona virus. C’est moi qui pique maman tous les jours, elle a besoin quotidiennement de son insuline. Les aides ménagères ne passent plus, je me charge également de son ménage ».

J. ne semble pas inquiète outre mesure, elle prend les choses avec beaucoup de sérénité. Je lui promets de ne pas divulguer son identité, je la remercie. Finalement, le confinement m’aura obligé à prendre des nouvelles des miens. Le quartier, c’est aussi d’où je viens.

NG

 



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