Arta Seiti ,au milieu de ses Nimbes 19 septembre
Chaque livre est une rencontre avec un personnage, des senteurs et des lieux qui parfois nous propulsent dans un univers qui nous est inconnu. Les limites entre la réalité et la fiction deviennent alors tellement tenues qu’on a le sentiment d’être happé dans un temps et un ailleurs qui nous submergent. C’est exactement le cas de « Nimbes » de Arta Seiti, publié aux éditions Fauves.
Quelques mots sur l’auteure :
Albanaise d’origine, diplômée en littérature française, Arta, experte en géopolitique et spécialiste des Balkans, enseigne les relations internationales à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université catholique de Lille. Auteure de plusieurs articles consacrés à une approche géopolitique de l’Europe du Sud-est, elle publie dans des revues spécialisées autour des questions internationales. Par ailleurs, elle a créé un blog nommé Passions électives. Elle a également poursuivi ses recherches dans le domaine de l’anthropologie sociale et l’ethnologie (EHESS). Au fil de ses travaux, les points de vue des sciences sociales et de la création littéraire n’ont de cesse de se croiser et d’inspirer sa démarche.
Questions à Arta Seiti :
Pourquoi avez-vous décidé un jour de vous mettre à l’écriture ?
J’ai toujours écrit des articles et études sur l’évaluation prospective et les enjeux stratégiques des acteurs internationaux dans la région du sud-est européen. A ce titre, il m’a fallu faire montre d’une précision géopolitique et une réflexion pointue sur le devenir de cette région. Néanmoins, je porte en moi une part très littéraire que je voulais mettre en lumière, l’extirper du sommeil, parce que j’en ai fortement ressenti la nécessité, comme un bouillonnement intérieur. Jeune, je souhaitais devenir comédienne ; j’ai même joué dans un film, ce dont je parle dans le livre. Lors de l’écriture du livre, j’ai eu le sentiment d’être éclairée par ce fil de lumière de mes Nimbes. Une imagination féconde qui a nourri le récit.
Quelles sont vos influences ?
J’ai été bercée dans une famille littéraire. Elles sont diverses, commençant par les écrivains et poètes albanais comme Kadare, Agolli et Poradeci. Ensuite viennent Dostoïevski, Kafka, Kundera Kis, Char, Daumal, Bachelard, Lévi-Strauss, Mauss…une multitude d’auteurs et de contes populaires qui m’ont forgée. J’ai grandi particulièrement avec la littérature russe.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur « Nimbes » ?
Nimbes est un fil de lumière qui éclaire plusieurs aspects du monde tel qu’il se donne à voir et par extension l’intériorité. Il y a une quête inlassable qui anime mon texte, stratifié en de multiples niveaux dont l’Albanie n’est qu’un aspect. Entre récit et essai, il traverse les frontières spatiales, mentales et intellectuelles de manière plus fondamentale et s’efforce de circuler du particulier vers une universalité à travers des lignes de fuite dont la création littéraire est le moteur. Le « Je », dépasse l’égo du narrateur et devient observateur à l’égard des sociétés. C’est une « invention de soi » pour culminer sur un embrasement plus universel, un couronnement de nimbes où la symbolique du feu et de la lumière occupe une place centrale. Une subjectivité qui se déplace : des fragments, des éclats de ma vie où le sublime et la révolte y font partie par le biais d’un langage symbolique poussé. Mon écriture tel un voyage intérieur, je l’ai conçue et sentie également dissoute dans un flottement.
Extrait
« Tout débute dans un état de semi-conscience entre le sommeil et la veille, après une journée de promenade dans la capitale, alors que dans la rue, l’on m’offre un brin de mimosa… Je commence, ainsi, dans un état de « haute étrangeté » à méditer, un carnet de voyage intérieur, un va-et-vient mêlant des notations subjectives avec une chronique des temps présent et passé, une géographie intérieure, mi- rêvée, mi- réelle. Une partie inaperçue de moi, indicible, une face cachée et mystérieuse à la fois – qui revient à travers les perceptions, chuchotements, souvenirs, personnages, un vécu, l’art, mes lectures fondatrices… De cette altérité intime, il résulte un rapport au monde d’une « spectatrice » alternant détachement et engagement.